Vol de l’Aigle à la Meije Orientale

Récit d’un combo alpinisme + parapente d’une pilote du club, Claire D,  pour son 63ème vol !
 
Un message d’Olivier : “Dispo pour monter dimanche et décoller de l’Aigle lundi avec une proba de 30%?” (nb: refuge de l’Aigle, face aux arêtes de la Meije au coeur du massif des Ecrins).
Carrément partante ! Mais j’ai jamais fait!
En manque d’alpi, j’essaie de négocier un sommet avant, mes piolets-crampons sont dans les starting-blocks et j’ai le CR d’Emeric dans la tête … mais bon, c’est plus sécur de se focaliser sur un seul objectif, d’autant plus si c’est une première de ce type.
Cette fois-ci… 
Les modèles météo sont scrutés, comparés, analysés: le vent paraît diminuer lundi mais avec quelques rafales en prévision… On est parti pour tenter l’aventure!
Cette fois-ci…
J’abandonne mon sac d’alpi et regarde, dubitative, mon sac de parapente : sellette, voile et parachute vont devoir partager la place avec crampons, piolets, baudard et quincaillerie de sécurité glacier, vivres de course et 2-3L d’eau puisqu’il n’y en a pas à l’Aigle. Presque 15kg. Heureusement que je n’ai qu’une mini brosse à dent ! 
Cette fois-ci…

Chargés comme des baudets, nous partons du parking sur le sentier bucolique. Lentement, les fleurs laissent la place aux cailloux puis à la neige. Vire Amieux. Le câble est partiellement dégagé : encordés, nous progressons sur les traces des cordées précédentes jusqu’au glacier, la neige porte.

La Meije, resplendissante au soleil, surveille de haut notre arrivée.

Enfin, le refuge de l’Aigle nous ouvre sa porte.
S’il était content du calme du WE précédent, la foule des alpinistes qui se serrent sur sa petite terrasse suspendue, les crampons et piolets dans les rateliers le font frémir de joie: la saison d’alpi a belle et bien commencée ! Il se réjouit d’avance de toutes les aventures qu’il va entendre!
Cette fois-ci…
Nous discutons au soleil avec d’autres parapentistes, tout en admirant les sommets, en attendant l’annonce du dîner. Ils prévoient leur décollage vers 10h le lendemain. On parle expériences, voiles …
Cette fois-ci…
On prête plus l’oreille aux conditions météo relatives au vent données par le gardien au moment du dessert. La journée de demain promet d’être belle et un peu thermique. Mais pour nous, ce n’est pas le but. On va déjà chercher à décoller et surtout atterrir avant la levée de la brise de vallée.
Cette fois-ci…
Prévoyant de se lever à 7h pour un déco à 8h, nous prenons le temps de sortir pour le coucher du soleil. Les cordées qui se lèvent pour le petit déjeuner de 4h30 sont déjà sous leurs couettes! Finalement, fatigués par la montée, nous ne tardons pas à les rejoindre.
Il fait très chaud, impossible pour moi de fermer l’oeil. Je compte les minutes, à minuit je sors admirer la Meije éclairée par la lune, à 2h, j’écoute petit-déjeuner une cordée en partance pour le Z, à 4h, après avoir gigoté dans tous les sens, je vois qu’Olivier ne dort pas non plus. Il me partage sa pensée du moment : et si finalement on ne partirait pas faire la Meije Orientale ?! Je n’espérais que ça !!!
Cette fois-ci…
…ou “comment préparer une course 30 min avant le départ”.
En chuchotant, nous envisageons la course, les horaires à tenir pour le décollage potentiel, la progression/embouteillages sur l’arête avec les autres cordées …
Pas le choix : il faut être les premiers et partir sans petit-déj.
Dès que les loupiotes s’allument, que les alpinistes commencent à bouger, nous dégringolons de notre perchoir et fonçons vers nos sacs. Nous décrochons nos voiles pour les laisser au refuge, bouclons nos sacs et nous voilà partis. Il est 4h50.
Le regel n’est pas flagrant mais nous permet quand même de progresser facilement. Le lever du soleil est magnifique mais je suis bien concentrée à avancer aussi vite que possible et n’ai pas le temps de prendre des photos (cette fois-ci…): Olivier s’en charge, et me motive : il ne faut pas louper le créneau décollage ! 
Sommet bien venté à 6h20. Le temps des photos, de croquer 3 noisettes au goût de crème solaire et nous redescendons en croisant quelques cordées au passage. Nous bifurquons dans un couloir au milieu de l’arête évitant ainsi le reste des cordées et une désescalade peu tentante. 
7h20 Arrivés à l’Aigle. 2h30 de course, ouf, on est dans les temps ! (Qui a pensé : “cette fois-ci” ?)
Cette fois-ci…
Je lorgne vers le petit-déj encore disposé sur la table…mais pas le temps.
Voiles dans le sac, nous nous dirigeons vers une pente orientée ouest.
Une très légère brume (venue du Canada), peu épaisse, nous voile un peu la vallée mais sans la dissimuler complètement : on ne volera pas dans un nuage ! 
Je suis un brin stressée : on décolle comment en crampons, sur la neige, avec des rafales ?
Et comment on range le piolet dans le sac sans risquer de se rompre la colonne vertébrale si on tombe dessus à l’atterrissage ?
Et comment j’enlève mes crampons en l’air ?
Olivier, serein, se prépare.
Les 2 autres parapentistes, aux voiles monosurface (des UFO) , reviennent du sommet et nous regardent décoller.
Ma prévol achevée, je suis prête.
Je n’ai rien pour faire tenir ma voile sur la neige [nb: retenir l’aile avec des sardines ou des batonnets de glace pour ne pas qu’elle glisse]. Heureusement, le vent la maintient à peu près en place.
Je commence mon gonflage face voile. Mince, c’était une rafale…qui commence à m’entraîner vers le petit col. J’affale, aux arrières, ma voile au plus vite après avoir avancé de 15m. Olivier, prêt à faire le 112, me voyait déjà plonger vers le glacier voisin.
Je redescends beaucoup plus bas, réinstalle ma voile (ouf, les suspentes ne sont pas emmêlées) et recommence. 
Cette fois-ci… je m’envole !
Je cours puis décolle enfin !!! Que c’est beau !!!!!!! Un petit tour pour admirer le Reine Meije puis la Barre des Écrins au loin. Je vérifie qu’Olivier a bien décollé. Pas de GoPro, pas de photo, que des souvenirs magiques rien que pour nous. Je repère l’atterro, puis je retire mes crampons que  j’accroche à ma sellette avec un mousqueton. Il ne reste plus qu’à profiter du vol et du paysage !
Quelques allers-retours pour contrôler le sens et la force du vent : ouf, la brise de vallée n’est pas là !
Olivier se pose et se voit tout se suite assailli par des alpinistes se préparant à leur voiture : quelles sont les conditions du glacier? La voie normale ? Le doigt de Dieu ? La vire Amieux ? 
Je me pose à mon tour…ravie d’avoir économisé les 1750 de D- !
Il est 8h30. 
Cette fois-ci…
C’est l’heure du petit déj à la terrasse d’un café à la Grave …en admirant la Meije bien sûr !!!
On cherchera les 2 parapentistes mais aucune voile en vue : soit ils ont conservé leur horaire de départ fixé à 10h, soit ils sont redescendus à pieds…